Pour l’Eglise catholique il est difficile de limiter le débat sur la laïcité au seul texte de la loi de 1905. Il faudrait parler aussi de la loi de 1907, qui ne réservait plus l’exercice du culte aux associations cultuelles, ou encore des accords de 1923-1924, conclus après la reprise des relations diplomatiques entre la France et le Saint Siège en 1920. De nombreuses autres dispositions législatives et réglementaires sont venues compléter le dispositif juridique sur des questions précises, comme par exemple la loi sur l’enseignement privé en 1959. Une abondante jurisprudence a permis d’affiner la mise en œuvre de ces divers textes.
Si la loi de 1905 n’est donc pas seule à s’appliquer en la matière, elle n’en demeure pas moins le texte fondateur de la séparation des Eglises et de l’Etat. Et, à l’occasion de son centenaire, il n’est pas inutile de se demander si ses dispositions sont toujours adaptées à la situation actuelle en France. Faut-il, par exemple, maintenir l’interdiction totale de subventions aux cultes prévue à l’article 2 alors que d’autres associations peuvent recevoir des subventions ? Et est-ce que ce mot « cultes », par lequel la loi de 1905 désigne les religions, n’est pas passablement réducteur ? La vie de l’Eglise ne se limite pas aux seules célébrations liturgiques.
La mission propre de l’Eglise consiste en l’annonce de l’Evangile, l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, et une participation active à la vie de la société. Cette annonce de la foi va, en effet, de pair avec l’amour du prochain créé à l’image de Dieu, et donc d’un engagement effectif des chrétiens dans la société pour promouvoir la dignité de chaque homme ainsi que la paix et la justice dans le monde.
Cela implique pour l’Eglise aussi un rôle d’enseignement auprès des fidèles et n’interdit pas qu’elle intervienne dans le débat politique chaque fois que la dignité humaine et les libertés fondamentales sont menacées. Bien au contraire. Cela fait partie tout à la fois du jeu démocratique et de ses responsabilités propres. Une juste séparation des pouvoirs n’empêche pas connaissance mutuelle, relations et dialogue. Et la loi de 1905, malgré ses imperfections et ses termes réducteurs, permet cela.
Aussi, les évêques de France ne souhaitent pas une modification en profondeur de la loi de 1905. Ils s’en sont expliqués dans leur déclaration en date du 15 juin 2005. Certes, à l’époque, l’Eglise a condamné la loi de 1905. Elle était perçue alors par les catholiques comme un rejet explicite de l’Eglise et non pas comme l’affirmation d’une indépendance ou d’une autonomie. Mais tout un travail de dialogue, d’ajustement et de négociation a permis une évolution des relations au cours de ce siècle. Ce qui aurait pu être une loi de combat a cédé devant un esprit d’apaisement. Dans sa lettre adressée aux évêques de France le 11 février 2005, le pape Jean-Paul II soulignait que cette paix, acquise progressivement, est devenue désormais une réalité à laquelle le peuple français est profondément attaché. La préservation de cette paix sociale passe avant tout autre considération.
Bien sûr, cent ans après la promulgation de la loi, des questions nouvelles se posent, notamment en raison de l’implantation de l’islam dans notre pays. Mais sans toucher aux principes édictés par la loi, qui a acquis une valeur symbolique certaine, bien des solutions peuvent être trouvées par des applications ouvertes de cette loi. Notre expérience d’un siècle est là pour en témoigner.
+ Jean-Pierre RICARD
Archevêque de Bordeaux
Président de la Conférence des Evêques de France
10 février 2006 à 19 h 44 min
il paraît en effet important aujourd’hui alors que l’opinion publique française à changé vis à vis des religions, d’aller au delà des cultes reconnaître leur existence et le respect qu’on leur doit, ceci à la lumière de l’affaire des carricatures, et de ce qui se passe au moyen orient.