Trois ans après le non français au projet de Constitution européenne et un an après l’élection de Nicolas Sarkozy, qui a annoncé, le soir du deuxième tour, que la France « était de retour en Europe », notre pays va assurer la présidence de l’Union européenne à partir du 1er juillet. Celle-ci intervient dans une période cruciale pour l’Europe compte tenu du référendum intervenu en Irlande qui crée une nouvelle situation d’incertitude quant à l’issue de la réforme institutionnelle.
Si chacun peut mesurer dès aujourd’hui l’impact du vote irlandais qui a stupéfait toute l’Europe, il est encore trop tôt pour évoquer les solutions envisageables pour essayer de préserver l’acquis de la réforme institutionnelle. Ce sera précisément le rôle et la responsabilité de la France de trouver, au cours de sa présidence, une issue satisfaisante à ce nouveau contretemps sur la voie de la construction européenne. Au-delà de cette nouvelle péripétie, la France devra également préparer le réexamen du cadre budgétaire communautaire et l’arrivée à échéance des mandats du Parlement européen et de la Commission en 2009.
Cette suite d’événements ne doit pas faire passer au second plan la nécessité de mettre en œuvre les priorités de la présidence française concernant l’immigration, l’énergie et l’environnement, la politique européenne de défense et la politique agricole commune. C’est le manque de concret de l’action de l’Europe qui a éloigné les peuples de l’idée européenne, il est donc impératif de démontrer que l’Europe peut être le bon niveau pour apporter des réponses concrètes aux attentes des peuples.
L’Europe est, par exemple, soumise à des tensions démographiques et économiques importantes. Il est donc nécessaire de coordonner les actions des États membres et d’assurer leur cohérence avec les politiques communautaires. Il s’agit de voir dans quelle mesure nos politiques de traitement des demandes d’asile d’une part, d’accueil et d’intégration d’autre part, mais également nos actions concrètes en matière de lutte contre l’immigration illégale et de développement solidaire peuvent être mieux harmonisées et partagées. Au-delà de la définition d’une politique d’immigration commune au niveau européen, qui est indispensable et dont l’élaboration a d’ailleurs déjà commencé, l’immigration clandestine doit être, selon nous, l’un des thèmes-phare de la Présidence française de l’UE. La mise en place d’une collaboration avec les pays du Sud pour élaborer une solution collective apparaît comme une priorité ainsi que la création d’un « pacte européen sur l’immigration » dont l’idée est défendue par Brice Hortefeux et qui repose sur « le refus des régularisations massives », « l’harmonisation des régimes d’asile » et « des négociations sur les accords de réadmission ».
L’énergie est selon nous une priorité absolue pour l’Union européenne et pour la France. Notre pays doit soulever les questions liées à la sécurité du continent en matière d’approvisionnement énergétique et promouvoir le rôle du nucléaire dans la lutte contre le changement climatique. La sécurité énergétique est la garantie de notre développement et de notre avenir. Nous devons faire partager à tous les Etats-membres une vision stratégique et – pourquoi pas ? – jeter les bases d’une véritable politique commune.
La politique européenne de l’énergie est étroitement liée à la lutte contre le changement climatique. L’objectif est de développer une Europe du développement durable et de l’innovation. Dans l’élan de son Grenelle de l’environnement, la France peut faire de l’Union européenne un exemple mondial en matière de protection de l’environnement.
L’Europe, puissance industrielle, agricole, économique et financière majeure, n’est pas aujourd’hui l’acteur global qu’elle devrait être dans le monde. Nous travaillons à l’Europe de la défense depuis les années 1990. Les Européens doivent avoir les moyens militaires de leurs ambitions politiques. Il est important de rendre l’Europe plus efficace et plus présente sur la scène internationale en donnant un visage à l’Europe ainsi que le prévoit, en particulier, le Traité de Lisbonne. Nous considérons que l’édification d’une Europe de la défense n’est pas incompatible avec l’existence de l’OTAN. Au contraire, il y a une réelle complémentarité comme le montrent un nombre croissant de crises, dans lesquelles l’Union européenne et l’OTAN sont déployées ensemble sur le terrain. Comment pourrait-il en être autrement quand 21 des 26 alliés de l’OTAN sont membres de l’Union et que 21 des 27 partenaires de l’Union européenne sont membres de l’OTAN ?
Nous pensons que la défense européenne dépend de l’engagement de chaque Etat et que tous peuvent en prendre leur part. Cela suppose que l’ensemble des pays européens fasse les efforts nécessaires pour que la sécurité de tous ne soit plus seulement assurée ni financée par quelques-uns d’entre eux. La présidence de l’Union européenne, que la France exercera à partir du 1er juillet, doit permettre de créer un véritable espace de sécurité et de défense, de lutter contre le terrorisme et la prolifération, de renforcer notre sécurité énergétique et de préparer la mise en place des coopérations permanentes ouvertes aux Vingt-sept. Dans le cadre de cette politique, le renforcement du dialogue avec les pays émergents et la création d’une Union pour la Méditerranée apparaissent d’excellentes initiatives.
La France doit lancer des réflexions sur le réexamen des politiques européennes et de leur financement après 2013, en particulier sur la Politique Agricole Commune (PAC). Mais, notre intérêt est d’y réfléchir dès maintenant, sans attendre l’échéance de 2013. Il faut éviter en effet que le débat agricole soit submergé par celui des perspectives financières 2013-2020. Le principal défi de l’Union est de préserver son indépendance et sa sécurité alimentaires dans un contexte mondial nouveau. Notre présidence doit permettre de définir les évolutions nécessaires de la PAC afin que l’agriculture européenne puisse relever les nouveaux défis qui s’imposent à elle, notamment environnementaux. Nous devons donc préparer l’avenir en nous appuyant sur les principes qui devront fonder la PAC de l’après 2013 : correction des déséquilibres alimentaires mondiaux, environnement, équilibre des territoires, qualité alimentaire, etc.
La PAC est une politique indispensable à notre économie agricole et à nos territoires. Nous devons nous doter d’une PAC assurant la souveraineté alimentaire et conjuguant compétitivité, qualité des productions et préservation du milieu. Nous serons particulièrement attentifs – et vigilants – aux propositions de la Commission européenne. Nous souhaitons que notre pays joue un rôle de premier plan dans la phase de réflexion sur l’avenir de la PAC.
La présidence française de l’Union européenne nous apparaît comme une chance pour notre pays d’assurer « son retour en Europe » selon l’expression du Président de la République et une opportunité de mobiliser toute son énergie pour recréer une envie collective d’Europe. Après l’échec du référendum de 2005, les difficultés rencontrées dans l’adoption du Traité de Lisbonne mettent à nouveau en péril l’avenir de l’Union européenne. Il y a donc urgence à lui conférer un élan renouvelé. Il est primordial de ne pas considérer le reste du monde comme une menace, mais d’aborder la mondialisation comme un défi que nous devons tous ensemble relever. De nombreuses solidarités sont à construire ou à consolider. C’est le cas de l’Union pour la Méditerranée, projet majeur pour l’ensemble de l’Union européenne et pour la France. Notre tâche est donc immense, la France est attendue pour redonner un vrai contenu au projet européen, le monde extérieur ne nous attend pas.
Henri de Raincourt
Président du groupe UMP au SénatHenri de Raincourt
Sénateur de l’Yonne
La fondation