La présidence française – la douzième depuis les débuts de la construction européenne et peut-être la dernière présidence sous cette forme – intervient à un moment charnière.
Notre présidence interviendra quelques mois avant le renouvellement de la Commission européenne et du Parlement européen. Cette période devrait ainsi donner vocation à la présidence française d’achever le programme législatif actuel de l’Union européenne et de préparer un nouveau cadre de référence pour les politiques futures.
Sur le plan international, la présidence française sera marquée par les Jeux olympiques de Pékin et par les élections présidentielles américaines.
Enfin, la présidence française devrait être l’occasion d’un rendez vous privilégié entre les Français et l’Europe, trois ans après le « non » français au référendum sur le traité constitutionnel.
Gardons nous cependant de la tentation de vouloir faire de la présidence de l’Union européenne une affaire franco-française, ce qui ne pourrait qu’irriter nos partenaires !
La vocation première d’une présidence n’est pas d’être au service de ses intérêts nationaux, mais au contraire, d’être au service de l’Europe dans son ensemble. Le rôle principal d’une présidence est de parvenir à dégager des compromis sur les textes en discussion au sein du Conseil. Pour ce faire, la présidence doit se départir de ses revendications nationales pour tenter de dégager l’intérêt général européen.
La présidence française ne doit donc pas être un exercice solitaire. Elle se doit d’être à l’écoute de nos partenaires, y compris les « petits » États ou les pays d’Europe centrale et orientale. Elle doit aussi s’appuyer sur les institutions européennes, comme la Commission européenne et le Parlement européen, qui ont été trop souvent négligés par les autorités françaises par le passé.
Mais une présidence réussie c’est aussi une présidence capable de créer une dynamique, de prendre des initiatives et de donner des orientations claires au projet européen. Le Président de la République a défini les priorités de la présidence française. Je voudrais, pour ma part, insister sur le renforcement de l’influence de l’Europe dans le monde et la relance de l’Europe de la défense.
La politique étrangère et la défense figurent parmi les premières attentes des citoyens à l’égard de l’Europe. Mais, si des progrès ont été réalisés ces dernières années, les Européens ne parviennent toujours pas à parler d’une seule voix face à la Russie ou aux nouvelles puissances émergentes, comme la Chine ou l’Inde. Par ailleurs, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’opération EUFOR au Tchad et en République centrafricaine illustrent les lacunes de la politique européenne de sécurité et de défense.
La présidence française doit donc nous donner l’occasion de donner un nouveau souffle à la politique étrangère et à la politique européenne de sécurité et de défense. La France a, en effet, un rôle à jouer pour faire de l’Union européenne un véritable acteur en matière de politique étrangère. Je pense notamment à la stabilité des Balkans, aux relations avec la Russie, au Proche-Orient ou encore au projet d’ « Union pour la Méditerranée ».
Enfin, le renforcement de l’Europe de la défense devrait constituer un chantier majeur de la présidence française. Certes, face aux réticences de certains de nos partenaires, il est difficile de s’attendre à des avancées spectaculaires. Cependant, les choses progressent et on peut relever le fait qu’un pays comme la Pologne se montre désormais favorable à une défense européenne autonome. Dès lors, on peut espérer des avancées concrètes sur des sujets tels que le renforcement des capacités de planification et de conduite des opérations.
Ma conviction est que l’Union européenne ne parviendra réellement à faire entendre sa voix sur la scène internationale, à jouer un rôle dans la mondialisation, que si elle dispose d’une véritable politique étrangère commune, appuyée par une défense européenne réellement autonome.
Josselin de Rohan
Président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, sénateur du Morbihan
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