Au 1er juillet 2008, la Slovénie passera le relais à la France : après avoir passé six mois sous la présidence de ce pays qui symbolise si bien la réussite de l’élargissement à l’Europe centrale et orientale, que l’Union Européenne peut-elle attendre de cette présidence française et quelle part l’Assemblée nationale va-t-elle en prendre ?
Cette présidence intervient tout d’abord dans un contexte inattendu et regrettable, au lendemain du vote négatif des Irlandais au référendum sur la ratification du Traité de Lisbonne. Initiée par Nicolas Sarkozy puis défendue par la présidence allemande de l’Union Européenne, l’idée d’un « traité modificatif » simplifié devait permettre, après la ratification de l’ensemble des Etats membres, de relancer la construction européenne. Ce vote traduit une nouvelle fois les états d’âme de l’opinion publique, de citoyens européens qui doutent de ce que leur apporte concrètement l’Europe. Nous ne pouvons toutefois pas rester sur cet échec. La France, à la présidence de l’Union Européenne, devra créer les conditions d’une sortie de crise en trouvant le moyen de poursuivre le processus de ratification par les Etats membres et d’une sortie de crise.
Cette situation difficile doit avant tout donner l’opportunité à la France de mettre en avant des priorités et des projets concrets, ambitieux et plus proches des citoyens. Il est bien dans nos intentions, à la tête de l’Union européenne, de porter haut les valeurs de l’Europe dans le monde et de poursuivre activement, avec nos partenaires, la recherche d’une meilleure réponse de notre continent aux grands défis du monde d’aujourd’hui. Placée sous le signe d’une Europe à la fois ouverte et protectrice, la Présidence française de l’Union Européenne (PFUE) s’est ainsi fixée quatre grandes priorités : la gestion globale et concertée des migrations, la politique de l’énergie et du développement durable, l’Europe de la défense et l’avenir de la politique agricole commune. D’autres sujets majeurs attendent la présidence française, comme la politique pour la croissance et l’emploi, la fiscalité, un agenda social rénové, la mobilité des jeunes et la question de l’élargissement. Le projet d’Union pour la Méditerranée, défendu par le Président de la République, sera lancé le 13 juillet 2008 au cours d’un sommet à Paris ; il a vocation à donner un souffle nouveau à la coopération euro-méditerranéenne.
Devant cet agenda chargé, j’entends faire jouer pleinement son rôle à l’Assemblée nationale, qui apportera, j’en suis convaincu, une contribution essentielle à la réussite de cette présidence française.
A cette fin, j’ai souhaité organiser à l’Assemblée nationale et au Parlement européen diverses rencontres avec les parlementaires des Etats membres et du Parlement européen.
• Tout d’abord, 10 réunions de commissions ou délégations permanentes des 27 Parlements nationaux seront organisées à Paris, conjointement avec le Sénat. Par ailleurs, s’ajouteront deux rencontres interparlementaires entre les 27 parlements nationaux et le Parlement européen : l’une à Strasbourg, siège officiel du Parlement européen, qui accueillera pour la première fois cette rencontre et l’autre à Bruxelles. Ces réunions importantes nous donneront autant d’occasions de défendre, auprès de nos partenaires, les grandes priorités de notre présidence.
• J’ai également souhaité qu’une rencontre entre Présidents des Assemblées française, tchèque et suédoise, pays qui vont former le nouveau « trio de présidences » de 18 mois, puisse se tenir à l’Assemblée nationale : cette initiative préserve l’esprit de cette présidence « à trois » initiée par l’Allemagne, le Portugal et la Slovénie, si utile à la définition et à la cohérence du travail européen.
Ces multiples contacts entre parlementaires permettront, malgré le contexte que nous connaissons, d’aborder les innovations importantes du Traité de Lisbonne s’agissant du rôle des Parlements nationaux. L’accroissement inédit de leurs droits et obligations, prévu par le Traité, permettrait en particulier de mieux contrôler l’application du « principe de subsidiarité ». L’Union n’agit en principe, sauf pour les domaines de sa compétence exclusive, que lorsque son action est plus efficace qu’une action entreprise au niveau national. Chaque parlement national devrait désormais pouvoir veiller dans de meilleures conditions au respect de ce principe : délai allongé pour examiner les projets d’actes législatifs, avis motivé adressé aux institutions européennes pouvant aboutir au retrait d’une initiative de la Commission européenne (« carton orange ») ou recours devant la Cour de justice des communautés européennes (« carton rouge »).
Si le Traité de Lisbonne n’est pas adopté, il faudra que nous prenions nos responsabilités. Lors de la Conférence des Présidents de Parlements des pays de l’UE à Lisbonne les 20 et 21 juin derniers, j’ai proposé à mes homologues que nous trouvions, le cas échéant, des voies alternatives pour mettre en œuvre ces innovations essentielles à la démocratisation de l’Europe.
Pendant sa présidence, la France aura à cœur de rapprocher l’Europe des citoyens : une Europe plus visible, plus compréhensible, et donc plus populaire. Il faut montrer aux Européens ce qu’elle leur apporte concrètement dans le contexte de la mondialisation, mais également les associer davantage à la PFUE, en développant par exemple les liens avec la société civile. En somme, il faut rendre l’Europe encore plus démocratique.
Sur ce plan, j’ai l’intention de faire jouer aux parlementaires français un rôle primordial.
Ainsi, tous les députés vont recevoir des « kits de communication » contenant des informations sur les 26 autres Etats membres et les priorités de la PFUE. Ces kits leurs permettront de présenter les priorités de notre présidence à travers tout le territoire, dans leur circonscription, au plus près de nos concitoyens, toujours curieux mais souvent mal informés. Nos 26 partenaires seront par ailleurs à l’honneur à l’Assemblée nationale durant chaque semaine de notre présidence. Enfin, d’autres actions de communication, comme l’illumination du Palais Bourbon et son pavoisement aux 28 couleurs de l’Europe et des pays membres, ou encore la création d’un site Internet dédié à la PFUE, permettront de faire vivre notre Assemblée au rythme de l’Europe.
En définitive, mon souhait est que la Présidence française donne aux élus de la Nation l’occasion de se rapprocher davantage de l’Europe, mais aussi de rapprocher les Français de cet espace de vie commune que constitue l’Union Européenne.
Ma conviction est que cette présidence française de l’Union Européenne, à laquelle l’Assemblée nationale accordera toute sa place, poursuivra l’effort engagé pour une Europe plus forte, plus efficace et plus solidaire. Elle conférera tout son sens au « retour de la France en Europe », une France dont l’Europe attend désormais qu’elle dégage une voie pour surmonter la crise et cheminer vers une Europe porteuse d’espoirs pour les citoyens.
Bernard Accoyer
Président de l’Assemblée nationale
La fondation